Ebola : transmission et prévention

Pr Jean-Christophe LUCET
0% played


Pour un meilleur confort de lecture : passer en mode plein écran
RETOUR

 

 

Réponses aux questions sur les modes de transmission et les précautions standards

  • Pourquoi l’eau et les aliments contaminés ne transmettent pas la maladie à celui qui les consomme ? 

 Il y a une incompréhension ou une imprécision de ma part sur la transmission par les aliments contaminés. Bien sûr, en ville, les aliments contaminés ou l’eau contaminée peuvent infecter une personne par la consommation de cet aliment contaminé. Il s’agit par exemple du choléra ou de la typhoïde en consommant de l’eau ou des aliments contaminés. En revanche, ce n’est pas un mode de transmission habituel dans le milieu de soin, le risque n’est pas différent en milieu de soin de ce qu’il est dans la communauté.

 

Réponses aux questions sur la Maladie à virus Ebola

  • Quelles sont les caractéristiques du virus Ebola, d’où vient-il ?

Le virus Ebola fait partie de la famille des filovirus, c’est un virus à ARN, et il est enveloppé, ce qui fait qu’il est relativement fragile et sensible aux agents antiseptiques et désinfectants.

Il a été identifié pour la première fois en Afrique centrale en 1976, en même temps au Soudan et en République démocratique du Congo, dans un village à proximité de la rivière Ebola, qui lui a donné son nom.

Il est probable que le virus avait donné des cas chez l’homme auparavant, mais que ces cas n’avaient pas été identifiés.

Depuis 1976, le virus a été responsable de plusieurs épidémies, toutes localisées dans une zone géographique limitée, et toujours en zone forestière d’Afrique centrale.

 

  • Quelle différence entre la fièvre hémorragique virale des années 70-80 en Afrique centrale et l’épidémie actuelle en Afrique de l’Ouest ?

Il s’agit dans l’épidémie actuelle d’Afrique de l’Ouest du même virus, dit virus « Zaïre », que celui qui a été trouvé dans des épidémies antérieures en Afrique centrale. On sait maintenant que le réservoir de virus chez l’animal est une chauve-souris particulière, qui mange des fruits. On pense que les modifications climatiques ont été responsables de la migration de ces chauves-souris vers l’Ouest de l’Afrique et qu’elles ont transporté avec elles le virus.

Le même mode de transmission semble identique en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, contamination des primates à partir des chauves-souris qui sont des porteurs sains, infections chez ces singes et transmission ensuite à l’homme, puis transmission possible interhumaine.

 

  • Le virus Ebola est-il un virus créé par l’homme ?

On peut répondre à la question de deux façons : non, le virus n’est pas directement fabriqué par l’homme mais les modes de vie de l’homme ont probablement favorisé la transmission des animaux vers l’homme. En particulier, le fait que l’homme aille de plus en plus loin et de en plus souvent dans les forêts équatoriales, en même temps que les moyens de transmission et de circulation se sont développés, ont certainement facilité le passage du virus des animaux vers l’espèce humaine, puis sa dissémination.

La transmission en Afrique de l’Ouest a pu être facilitée par des moyens de communication plus faciles qu’en Afrique centrale. En ce sens, oui le virus n’a pas été fabriqué par l’homme mais sa circulation et sa transmission ont été facilitées par nos modes de vie.

 

  • Est-ce que la consommation de fruits sauvages peut transmettre le virus Ebola ? Est-ce que le virus se transmet par voie orale ?

Non, le virus ne se transmet pas par les fruits sauvages, il faut avoir un contact direct, soit avec un autre homme infecté, soit avec un singe ou un primate malade ou décédé d’une maladie à virus Ebola.

Concernant la transmission par voie orale, il est peu probable qu’elle puisse survenir par voie orale directe. D’abord, on peut trouver la présence de virus dans la salive chez un patient malade de maladie à virus Ebola. On peut bien sûr imaginer qu’une transmission puisse survenir à l’occasion d’un baiser, mais cette possibilité est beaucoup plus rare que celle d’un contact avec le sang d’un patient contaminé sur une peau lésée.

En revanche, si la question est de savoir si la transmission peut se faire par la prise d’aliments, de fruits, de légumes, la réponse est négative, ce n’est qu’à partir de viande contaminée que l’on peut se contaminer.

 

  • Quelle est la durée du virus dans le sperme ?

On sait que dans les observations faites chez des patients qui ont guéri, le virus disparait d’abord du sang en 15 jours-trois semaines, ensuite des urines (trois semaines-1 mois), et qu’il peut rester présent dans le sperme plusieurs mois après la guérison du malade. Il est donc important de faire des recommandations pour limiter le risque lors des rapports sexuels des patients guéris, par exemple le port du préservatif.

 

  • Pourquoi l’Afrique est-elle le seul continent touché par le virus Ebola ?

L’Afrique n’est pas le seul continent touché par les fièvres hémorragiques virales, il existe d’autres fièvres hémorragiques trouvées dans les zones tropicales, soit en Amérique du Sud, soit en Asie du Sud-Est. Et la fièvre de Lassa, une autre fièvre hémorragique, est présente en Afrique de l’ouest. En revanche, le virus Ebola se trouve spécifiquement en Afrique centrale et est donc plus récemment en Afrique de l’Ouest. Cela s’explique peut-être par le fait que les animaux porteurs sains du virus, les chauves-souris frugivores, vivent préférentiellement en Afrique centrale, et ont pu migrer récemment vers l’Afrique de l’Ouest.

 

  • Parmi les souches différentes du virus Ebola, laquelle est la plus virulente et qu’est-ce qui explique cette virulence ?

En effet, cinq espèces de virus Ebola ont été identifiées en Afrique (Zaïre, Soudan, Bundibugyo et Thai forest) et l’espèce Reston aux Philippines, avec une mortalité différente selon le type de virus Ebola identifié. Certains de ces virus, comme l’espère Zaïre, peuvent provoquer le décès dans presque 80 % des cas. Les raisons pour lesquelles certains virus sont plus virulents que d’autres ne sont pas connues, mais il faut aussi remarquer que la rapidité de prise en charge au début des symptômes, les mesures symptomatiques, par exemple la réhydratation, permettent de réduire la mortalité. C’est la raison pour attendre impatiemment l’arrivée de traitement curatif.

 

  • Quels sont les diagnostics différentiels de la fièvre causée par le virus Ebola avec les autres fièvres ?

La présentation des maladies à virus Ebola n’est finalement pas très différente de celle d’autres maladies infectieuses, comme le paludisme, la dengue, la fièvre de Lassa, ou encore des infections bactériennes comme les typhoïdes, des gastro-entérites infectieuses fébriles. En pratique, il est très difficile de différencier sur les éléments cliniques une maladie à virus Ebola d’une autre infection aigüe et c’est le contexte avec une exposition à des patients atteints de maladie à virus Ebola et le diagnostic par prélèvement sanguin qui permettent de faire la différence. C’est ici tout l’intérêt de disposer d’un diagnostic avec une réponse rapide pour identifier les patients atteints de maladies à virus Ebola, ou éliminer Ebola au profit d’une infection pour laquelle un autre traitement doit être engagé rapidement.

 

  • Quelle est la conduite à tenir devant une femme enceinte qui débute un travail et présenterait des signes de maladies à virus Ebola ?

Ce que l’on savait de cette situation venait des observations faites sur des petites épidémies en Afrique centrale les dernières années. Les observations plus récentes en Afrique de l’Ouest montrent que le fœtus et le futur bébé sont toujours contaminés quand la mère est malade ou présente des symptômes de maladies à virus Ebola. Malheureusement, le pronostic du bébé est mauvais et l’expérience montre que ces enfants décèdent soit dans l’utérus, soit quelques heures ou quelques jours après la naissance. Dans cette situation, l’élément important à prendre en compte est de savoir si on se trouve en face d’une femme enceinte infectée par le virus Ebola ou bien par une infection autre, curable, en particulier le paludisme.

Il est donc ici, comme dans les autres cas, très important d’avoir une réponse rapide sur l’existence ou non d’une maladie à virus Ebola. On a appris récemment que le liquide amniotique était contaminé par le virus Ebola, comme tous les liquides biologiques, et donc qu’il y a un risque de transmission dans les soins d’accouchement d’une femme enceinte. La prise en charge dans des conditions de sécurité a été faite à plusieurs reprises. Avec ces conditions, le risque de transmission au personnel soignant qui s’occupe de ces femmes semble faible.

 

  • Quels sont les traitements du virus Ebola ?

Plusieurs traitements sont en cours de test. Il faut d’abord rappeler que le traitement symptomatique permet d’améliorer le pronostic des patients infectés. Il s’agit de la réhydratation essentiellement, qui peut être aidée par la réalisation de prélèvement sanguin et de perfusion pour adapter au mieux l’équilibre hydroélectrolytique. Concernant les traitements spécifiques de la maladie à virus Ebola, des vaccins sont en cours de test, mais nous n’en aurons les résultats probablement qu’en fin d’année 2015. Il existe aussi des traitements curatifs qui sont proposés, qui sont soit des médicaments antiviraux directs actifs sur le virus, soit le traitement par des médicaments immunomodulateurs, soit enfin l’utilisation de sérum de patients convalescents, sérum qui va contenir des anticorps neutralisant le virus.

Pour l’instant, une seule étude a été menée, et terminée en Guinée Conakry. Il semble que les résultats suggèrent que le traitement antiviral puisse être efficace dans les formes non graves de la maladie. Nous attendons impatiemment les données plus précises.


Pr Jean-Christophe LUCET

Jean-Christophe Lucet est professeur de Microbiologie et spécialisé en hygiène hospitalière.

Il dirige l’équipe opérationnelle en hygiène de l’hôpital Bichat – Claude Bernard à Paris, un des hôpitaux de référence en France pour le risque épidémiologique et biologique.

Ses centres d’intérêt et de recherche sont l’épidémiologie et le contrôle des infections à bactéries multirésistantes et les aspects méthodologiques de la surveillance.